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Solidarité et engagement chez les marques : L’art de récolter ce que l’on sème.

By 06/01/2021février 25th, 2021Blog

Il ne vous a probablement pas échappé que de plus en plus de marques se soucient de leur impact social. Phénomène donnant même lieu à l’émergence d’un nouveau terme : la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) ou son équivalent anglais la CSR (Corporate Social Responsability). Cet engouement croissant soulève généralement chez les marketeurs un certain nombre de questions. Si j’engage ma marque dans une cause sociale, va-t-on la traiter d’hypocrite ? Quel engagement social aurait du sens pour ma marque ? Cela va t-il me coûter de l’argent ? Dans cet article nous vous proposons de mettre à plat une bonne fois pour toute les bases de l’engagement solidaire chez les marques en voyant :

  • I.    Quels sont les résultats de l’engagement responsable pour la marque ?
  • II.  Quels sont les risques de l’engagement responsable pour la marque et comment les prévenir ?
  • III. Comment définir les bases d’un engagement responsable qui ait du sens pour sa marque ?

I. Quels sont les résultats de l’engagement responsable pour la marque ?

Commençons donc par une bonne nouvelle : comme le rapportent les chercheurs Porter & Kramer dans un article de la Harvard Business Review, s’engager dans un acte solidaire est bel et bien compatible avec une bonne performance économique, c’est parfois même nécessaire [1]. Mais attention : Un acte solidaire doit impérativement être sincère (comme expliqué en partie II.) !

Ce boost de performance peut s’expliquer notamment par différents mécanismes comportementaux inhérents au consommateur. Les preuves empiriques démontrent que la décision d’achat du consommateur n’est pas seulement dépendante des aspects concrets d’un produit (prix, fonction, qualité, etc…) mais aussi et surtout des aspects intangibles du produit (réputation, associations avec la marque, imaginaire de marque, représentation, etc…) [2], [3], [4]. Plus que cela, les marques avec un fort aspect intangible et émotionnel sont perçues comme plus durables et moins réplicables par leurs concurrents [5].

En 2010, les chercheurs Lai, Chiu, Yang & Pai proposent un modèle (ci-contre) pour comprendre comment la RSE influence-t-elle la performance d’entreprise. Ce que l’on peut noter est que l’engagement de marque impacte directement et indirectement sa performance, notamment en optimisant sa brand equity (par exemple son imaginaire de marque [6] et la qualité perçue du produit [7]). Il est d’autant plus intéressant de constater que dans certaines études, l’on observe que face à deux marques « qui se valent », le consommateur tendra à préférer la marque perçue comme la plus responsable en terme social et environnemental [8].

Un autre pan de la littérature scientifique s’intéresse à la façon dont l’engagement solidaire améliore également la performance des marques en B2B. En effet, le caractère engagé d’une marque n’a pas seulement une bonne influence sur ses consommateurs mais également sur ses fournisseurs, investisseurs, et bien évidemment sur ses collaborateurs [9] !

Pour résumer les effets de la RSE, les stratégies philanthropiques tendent à améliorer les relations entre l’ensemble des parties prenantes autour de la marque et la marque elle-même, donnant lieu à un véritable boost aux performances financières de l’entreprise [10], [11], [12].

II. Quels sont les risques de l’engagement responsable pour la marque et comment les prévenir ?

Il peut parfois être délicat pour une marque de mettre en place une stratégie engagée. Répondre solidairement à un événement négatif, par exemple, peut provoquer un lot de réactions hostiles de la part du public. C’est ce que l’on appelle en psychologie le « biais de négativité », qui désigne la tendance que nous avons tous à accorder davantage d’importance aux aspects négatifs [13]. Quand un consommateur observe un acte généreux de la part d’une marque, il peut considérer (à tort ou à raison) que cet acte est en fait hypocrite. Car comme nous le savons tous, la raison d’exister d’une entreprise est toujours noyautée d’un motif financier.

Pourquoi certaines marques sont-elles immédiatement clouées au pilori à la moindre preuve de générosité alors que d’autres sont d’emblée perçues comme authentiques ? Les chercheurs Meyers-Levy et Tybout avancent l’explication suivante [14] : Chaque individu a en tête des « schémas cognitifs », c’est-à-dire des idées que l’on se fait de quelque chose (ex : cette marque est irresponsable). Quand un individu constate un événement qui contredit son schéma de pensée initial (ex : cette marque irresponsable effectue un geste responsable), cela tend à renforcer sa croyance initiale. Plus la différence entre le schéma initial et l’événement constaté est grande et difficile à expliquer, plus l’objet du schéma sera évalué négativement. Qu’une marque puisse paraître responsable ne dépend donc pas d’une petite action effectuée ponctuellement, mais bien d’une stratégie globale sur le long terme afin que le schéma initial du consommateur soit favorable à la marque. D’autant plus que les consommateurs partent régulièrement du principe que les marques ne sont pas sincères qu’elles manquent d’authenticité voire même qu’elles sont malhonnêtes [15], [16], [17]. Phénomène d’autant plus regrettable quand on sait que l’hypocrisie perçue est un facteur de poids dans la décision d’achat du consommateur [18].

La question que l’on vient alors à se poser est « qu’est-ce qui fait qu’une marque est authentique ou non ? ». Les études sur le comportement du consommateur convergent vers un ensemble d’éléments qui donnent à une marque son image authentique.  Notamment sa sincérité, son innocence, son originalité [19], mais aussi son caractère naturel, honnête et simple [20]. Les chercheurs Gilmore, Pine [21] et Beverland [22] pointent également le fait que les marques perçues comme authentiques respectent généralement un certain nombre de critères récurrents :

  • Une communication honnête avec ce que vaut vraiment la marque.
  • Une cohérence entre l’image de marque souhaitée et celle renvoyée.
  • Une forte intégrité perçue par le public.
  • Un fort dévouement accordé à la qualité.
  • Un sens de la morale (réel ou perçu).
  • Un amour intrinsèque au produit (réel ou perçu).

Autre fait intéressant, dans son étude « Brand management and the challenge of authenticity » [23], Beverland recommande aux marques en quête d’authenticité de rendre leurs prouesses marketing plus discrètes et de consacrer leurs efforts à créer une sub-culture autour de leur produit ou service, plutôt que de simplement souligner leur succès.

Bien sûr, une marque est composée d’êtres humains et à ce titre elle ne peut pas tout faire parfaitement tout le temps. L’authenticité n’est pas une destination à laquelle on arrive un jour pour y rester à jamais. Il s’agit d’un combat de chaque instant. Mais ce défi devient de plus en plus aisé à accomplir au fur et à mesure. Il se trouve qu’en situation de crise les consommateurs réagissent plus miséricordieusement aux marques authentiques [24]. Ainsi, même si la quête de sincérité n’est jamais à prendre pour acquise, elle devient plus facile à entretenir avec le temps.

Avant de s’engager dans une stratégie de marque responsable et pour éviter un biais de négativité, il est donc bon de s’interroger sur ce qui fait que votre marque respecte ou non les critères de l’authenticité aux yeux des autres.

III. Comment définir les bases d’un engagement responsable qui ait du sens pour sa marque ?

On peut diviser les stratégies engagées en quatre catégories [25] présentant chacune leurs avantages et leurs inconvénients.

  • Stratégie proactive-générale : désigne un engagement qui n’est pas motivé par une pression extérieure ponctuelle (actualité, événement, etc…) et dont les bénéficiaires ne sont pas susceptibles de devenir clients (ou autre partie prenante) de la marque. Exemple : Colgate s’engage contre l’enfance défavorisée avec le Secours Populaire Français
  • Stratégie proactive-dirigée : désigne un engagement qui n’est pas motivé par une pression extérieure (actualité, événement, etc…) et dont les bénéficiaires sont susceptibles de devenir clients (ou autre partie prenante de la marque) de la marque. Exemple : Carte Noire avec Le café favori des Français
  • Stratégie réactive-générale : désigne un engagement en réponse à une pression extérieure (actualité, événement, etc…) et qui n’est pas destiné à une cible spécifique susceptible de devenir client (ou autre partie prenante) de la marque. Exemple : Panzani s’engage contre la faim avec les Restos du Coeur
  • Stratégie réactive-dirigée : désigne un engagement en réponse à une pression extérieure (actualité, événement, etc…) et qui est destiné à une cible spécifique susceptible de devenir client (ou autre partie prenante de la marque). Exemple : BIC, Made in France

Chaque type de campagne engagée provoque des réactions spécifiques. On observe par exemple que les communautés visées dans des stratégies réactives-dirigées s’impliquent davantage dans les actions solidaires proposées par la marque que pour les autres types de campagnes [26]. En revanche, l’engagement solidaire proactif est généralement mieux reçu par le public que lorsqu’il est réactif [27]. Il est donc nécessaire d’avoir une idée claire de ses objectifs avant de se lancer tête baissée dans l’une ou l’autre des stratégies.

Une autre question à se poser est de savoir comment atteindre un point d’équilibre entre l’argent investi dans une stratégie engagée et ses retours. Dans leurs travaux, Porter et Kramer proposent une procédure permettant de maximiser le rapport valeur sociale/valeur financière, par exemple dans le cas d’une donation [28] :

  • Phase 1, sélectionner la meilleure garantie : Ici la marque qui souhaite s’investir dans un acte engagé commence à sélectionner les projets les plus simples ayant le plus de chances d’aboutir et d’avoir un retentissement social.
  • Phase 2, communiquer auprès de participants : la marque engagée peut ensuite indiquer à des individus (structures ou particuliers) qu’elle encadre un acte solidaire pour lequel il est possible de contribuer.
  • Phase 3, améliorer la performance des bénéficiaires : Une fois qu’un flux de contribution est généré, la marque peut se dédier à optimiser le retour social et économique de chaque action individuelle [6], [7].
  • Phase 4, avancement de savoir : Après avoir effectué l’action, une analyse objective est nécessaire afin de conclure si une façon innovante de renouveler l’acte de charité pourrait permettre à la marque de répondre encore davantage à l’enjeu social, le fameux bilan de fin d’opération.

Voilà une très brève introduction au vaste monde de l’engagement solidaire chez les marques. Pour conclure cet article, retenons que la générosité est une stratégie qui a d’unique qu’elle peut aider les autres tout en s’aidant soi-même ! N’hésitez pas à contacter Rangoon ici ou bien au 01 41 40 86 00 pour en savoir plus !

Sources :

[1] Porter, M. E., & Kramer, M. R. (2002). The competitive advantage of corporate philanthropy. Harvard business review, 80(12), 56-68.
[2] Cretu, A. E., & Brodie, R. J. (2007). The influence of brand image and company reputation where manufacturers market to small firms: A customer value perspective. Industrial marketing management, 36(2), 230-240.
[3] Mudambi, S. (2002). Branding importance in business-to-business markets: Three buyer clusters. Industrial marketing management, 31(6), 525-533.
[4] Mudambi, S. M., Doyle, P., & Wong, V. (1997). An exploration of branding in industrial markets. Industrial marketing management, 26(5), 433-446.
[5] Lynch, J., & De Chernatony, L. (2004). The power of emotion: Brand communication in business-to-business markets. Journal of Brand management, 11(5), 403-419.
[6] Ricks, J. M. (2005). An assessment of strategic corporate philanthropy on perceptions of brand equity variables. Journal of Consumer Marketing.
[7] Keller, K., & Aaker, D. (1995). Managing the corporate brand: the effects of corporate images and brand extensions. Building Strong Brands.
[8] Peattie, K. (1999). Trappings versus substance in the greening of marketing planning. Journal of Strategic Marketing, 7(2), 131-148.
[9] Lai, C. S., Chiu, C. J., Yang, C. F., & Pai, D. C. (2010). The effects of corporate social responsibility on brand performance: The mediating effect of industrial brand equity and corporate reputation. Journal of business ethics, 95(3), 457-469.
[10] Van Beurden, P., & Gössling, T. (2008). The worth of values–a literature review on the relation between corporate social and financial performance. Journal of business ethics, 82(2), 407.
[11] Walsh, J. P., Weber, K., & Margolis, J. D. (2003). Social issues and management: Our lost cause found. Journal of management, 29(6), 859-881.
[12] Orlitzky, M., Schmidt, F. L., & Rynes, S. L. (2003). Corporate social and financial performance: A meta-analysis. Organization studies, 24(3), 403-441.
[13] Ahluwalia, R., Burnkrant, R. E., & Unnava, H. R. (2000). Consumer response to negative publicity: The moderating role of commitment. Journal of marketing research, 37(2), 203-214.
[14] Meyers-Levy, J., & Tybout, A. M. (1989). Schema congruity as a basis for product evaluation. Journal of consumer research, 16(1), 39-54.
[15] Maehle, N., Otnes, C., & Supphellen, M. (2011). Exploring Consumers’ Perceptions of Brand Personality: A Qualitative Approach. ACR European Advances.
[16] Thompson, C. J., & Arsel, Z. (2004). The Starbucks brandscape and consumers'(anticorporate) experiences of glocalization. Journal of consumer research, 31(3), 631-642.
[17] Lee, M. S., Motion, J., & Conroy, D. (2009). Anti-consumption and brand avoidance. Journal of Business Research, 62(2), 169-180.
[18] Wagner, T., Lutz, R. J., & Weitz, B. A. (2009). Corporate hypocrisy: Overcoming the threat of inconsistent corporate social responsibility perceptions. Journal of marketing, 73(6), 77-91.
[19] Fine, G. A. (2003). Crafting authenticity: The validation of identity in self-taught art. Theory and Society, 32(2), 153-180.
[20] Boyle, D. (2003). Authenticity brands, fakes, spin and the lust for real life.
[21] Gilmore, J. H., & Pine, B. J. (2007). Authenticity: What consumers really want. Harvard Business Press.
[22] Beverland, M. (2006). The ‘real thing’: Branding authenticity in the luxury wine trade. Journal of Business Research, 59(2), 251-258.
[23] Beverland, M. (2005). Brand management and the challenge of authenticity. Journal of Product & Brand Management.
[24] Guèvremont, A., & Grohmann, B. (2018). Does brand authenticity alleviate the effect of brand scandals?. Journal of Brand Management, 25(4), 322-336.
[25] Ricks, J. M. (2005). An assessment of strategic corporate philanthropy on perceptions of brand equity variables. Journal of Consumer Marketing.
[26] Bettman, J. R. (1979). Information processing theory of consumer choice. Addison-Wesley Pub. Co..
[27] Barret, J. P., Wolf, S. E., Desai, M. H., & Herndon, D. N. (2000). Cost-efficacy of cultured epidermal autografts in massive pediatric burns. Annals of surgery, 231(6), 869.
[28] Porter, M. E., & Kramer, M. R. (2002). The competitive advantage of corporate philanthropy. Harvard business review, 80(12), 56-68.

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